je
me souviens de la conversation qui va suivre jusque dans ses moindres
détails. Elle m'a laissé une impression indestructible;
elle marque le début de mon éloignement progressif du
parti : c'est ce jour-là que j'ai commencé à comprendre
ce qu'était le national-socialisme et surtout ce qu'il voulait
être. Nous étions réunis à la Chancellerie,
dans les appartements d'Hitler. Un petit canapé, quelques sièges,
une table. Mme Raubal, Mme Goebbels, Forster, Goebbels et moi, assis
en rond. Derrière nous, le "Führer" , le nouveau Chancelier
du Reich, était à sa table de travail et feuilletait des
documents en discutant avec Julius Streicher et Wagner de Munich. On
servit du thé et des petits gâteaux. Mme Raubal, la soeur
de lait du Führer essaya bien d'amorcer une conversation banale,
mais nous étions tous fatigués. Mme Goebbels fardée
comme il n'était pas permis à une Allemande, écoutait
attentivement Hitler, et de mon côté, pour rien au monde,
je ne me serais laissé arracher à la conversation qui
se tenait derrière moi et qui me semblait de plus en plus passionnante.
La soirée
était déjà fort avancée. Hitler avait été
au Cinéma, honorer de sa présence un mauvais film patriotique
à la gloire de Frédéric le Grand. Nous étions
arrivés à la Chancellerie avant Hitler et nous attendions
son retour. Goebbels entra le premier : "Quel
film fabuleux! s'écria-t-il, un
grand film; exactement celui qu'il
nous fallait." Quelques instants plus tard, le Führer
sortit de l'ascenseur. "Alors, et ce film?"
lança Forster en guise de salut. "Une
horreur, une immondice! Il faut le faire interdire par la police! Vraiment
on commence à abuser de ces âneries patriotiques!
"
--"Vous
avez tout à fait raison mon Führer" approuva
Goebbels, en s'avançant. "C'est un film
bien faible et bien mauvais. Ah! nous avons encore une grande mission
éducatrice à remplir."
Le prince Auguste-Wilhelm de Prusse qui avait accompagné Hitler
et qui voulait rentrer chez lui, laissa tomber avec nonchalance sur
le seuil de la porte : "Il serait temps de
faire une loi dans le genre de la loi sur la protection des animaux,
afin d'empêcher qu'on maltraite les souvenirs historiques."
Si la date
de cette soirée m'est restée gravée dans la mémoire,
c'est aussi à cause du jour qui la suivit. J'étais à
midi chez Hitler. J'avais été lui faire mon rapport de
bonne heure. Ce jour était d'une importance capitale car il avait
vu naître l'institution des Statthalter ou représentants
du Reich dans les divers pays. Cette mesure n'avait d'autre but que
d'étouffer à temps les tendances séparatistes qui
commençaient à se faire jour un peu partout. En Bavière,
par exemple, le mouvement autonomiste redevenait très dangereux
pour les nationaux-socialistes. Si la Bavière avait su profiter
de l'heure et surtout si le Kronprinz Rupprecht avait montré
plus de décision, il est probable qu'une monarchie Bavaroise
aurait préparé au mouvement national-socialiste une fin
rapide et brutale. La réforme de la vieille Allemagne aurait
pris une autre direction et d'autres formes... Notre conversation
nocturne avait porté sur les graves soucis que causaient ces
tendances. C'était pour en discuter en détail que deux
Gauleiters Bavarois, Streicher, de Franconie, et Wagner, de Munich,
avaient été convoqués à Berlin. Je n'avais
pas écouté le début de la conversation. Mais derrière
moi la voix d'Hitler s'éleva, stridente pour répondre
à un propos de Streicher, et je prêtais l'oreille.
"Les
religions? Toutes se valent. Elles n'ont plus, l'une ou l'autre aucun
avenir. Pour les Allemands tout au moins. Le fascisme peut, s'il le
veut, faire sa paix avec l'Église. Je ferai de même. Pourquoi
pas? Cela ne m'empêchera nullement d'extirper le christianisme
de l'Allemagne. Les Italiens, gens naïfs, peuvent être en
même temps des païens et des chrétiens. Les Italiens
et les Français, ceux qu'on rencontre à la campagne, sont
des païens. Leur christianisme est superficiel, reste à
l'épiderme. Mais l'Allemand est différent. Il prend les
choses au sérieux : il est chrétien ou païen, mais
non l'un et l'autre. D'ailleurs, comme Mussolini n'arrivera jamais à
faire de ses fascistes des héros, peu importe qu'ils soient païens
ou chrétiens.".
" Pour
notre peuple, au contraire, la religion est affaire capitale. Tout dépend
de savoir s'il restera fidèle à la religion judéo-chrétienne
et à la morale servile de la pitié, ou s'il aura une foi
nouvelle, forte, héroïque, en un Dieu immanent dans la nature,
en un Dieu immanent dans la nation même, en un Dieu indiscernable
de son destin et de son sang."
Après
une légère pause, Hitler poursuivit : "Laissons
de côté les subtilités. Qu'il s'agisse de l'Ancien
Testament ou du Nouveau, ou des seules paroles du Christ, comme le voudrait
Houston Stewart Chamberlain, tout cela n'est qu'un seul et même
bluff Judaïque. Une Église allemande!.Un christianisme allemand?
Quelle blague! On est ou bien chrétien ou bien allemand, mais
on ne peut pas être les deux à la fois. Vous pourrez rejeter
Paul l'épileptique de la chrétienté. D'autres l'ont
déjà fait. On peut faire de Jésus une noble figure
et nier en même temps sa divinité. On l'a fait de tous
temps. Je crois même qu'il existe en Amérique et en Angleterre,
encore aujourd'hui, des chrétiens de cet acabit, qu'on nomme
des "unitaires" ou quelque chose dans ce goût-là".
Toute cette exégèse ne sert exactement à rien.
On n'arrivera pas ainsi à se délivrer de cet esprit chrétien
que nous voulons détruire. Nous ne voulons plus d'hommes qui
louchent vers "l'au-delà. "Nous voulons des hommes libres, qui
savent et qui sentent que Dieu est en eux".
A une observation
de Streicher, ou de Goebbels, que je n'entendis d'ailleurs point, Hitler
reprit : "Ce serait folie de notre part de
vouloir faire de Jésus un Aryen, ce que Chamberlain a écrit
là -dessus est tout simplement idiot; encore suis-je poli. Ce
que nous ferons? je vais vous le dire : nous empêcherons que les
Églises fassent autre chose que ce qu'elles font à présent,
c'est-à-dire perdre tous les jours un peu plus de terrain. Croyez-vous,
par hasard, que les masses redeviendront jamais chrétiennes?
Stupidité! Jamais plus. Le film est terminé, plus personne
n'entrera dans la salle, et nous y veillerons. Les curés devront
creuser leur propre tombe. Ils nous vendront d'eux-mêmes leur
bon Dieu! Pour conserver leurs fonctions et leur misérable traitement,
ils consentiront à tout."
Et nous,
quel programme devrons-nous suivre?
Exactement
celui de l'Église Catholique, lorsqu'elle a imposé sa
religion aux païens : conserver ce qu'on peut conserver et réformer
le reste. Par exemple, Pâques ne sera plus la Résurrection,
mais l'éternelle rénovation de notre peuple. Noël
sera la naissance de notre sauveur, c'est-à-dire de l'esprit
d'héroïsme et d'affranchissement. Pensez-vous qu'ils n'enseigneront
pas ainsi notre Dieu dans leurs églises, ces prêtres libéraux
qui n'ont plus aucune croyance et qui exercent simplement une fonction?
qu'ils ne remplaceront pas leur Croix par notre croix gammée?
Au lieu de célébrer le sang de leur Sauveur d'autrefois,
ils célébreront le sang pur de notre peuple; ils feront
de leur hostie le symbole sacré des fruits de notre terre allemande
et de la fraternité de notre peuple. Mais oui, je vous l'assure,
ils mangeront ce pain-là, et alors, Streicber, vous verrez les
églises de nouveau remplies. Si nous le voulons ce sera notre
culte à nous qui sera célébré dans les églises.
Mais ce n'est pas encore pour aujourd'hui,".
Hitler se recueillit
un instant. Mme Raubal me posa quelques questions à propos de
ma famille, mais Hitler reprit aussitôt : "Pour
le moment, on peut laisser les choses aller leur train. Mais cela ne
durera pas. A quoi bon une religion unitaire; une Église allemande,
détachée de Rome? Ne voyez-vous pas que tout cela est
déjà dépassé? Chrétiens allemands,
Église allemande, chrétiens schismatiques! Vieilles histoires
que tout cela. Je sais bien ce qui doit fatalement arriver, et quand
le moment sera favorable, nous nous en chargerons. Sans religion propre,
le peuple allemand ne peut avoir de stabilité. Que sera cette
religion? personne ne le sait encore. Nous le sentons, mais cela ne
suffit pas." Quelqu'un lui posa une question que je n'entendis
pas et à laquelle il répondit : "Non,
ces professeurs et ces ignorantins qui échafaudent des mythes
nordiques ne valent rien pour nous. Ils me gênent dans mon action.
Vous me demanderez pourquoi je les tolère? parce qu'ils contribuent
à la décomposition, parce qu'ils provoquent du désordre,
et que tout désordre est créateur. Si vaine que soit leur
agitation, laissons-les faire, parce qu'ils nous aident à leur
façon, comme les curés à la leur. Nous les obligerons,
les uns comme les autres, à détruire eux-mêmes leurs
religions par effondrement intérieur, en les vidant de toute
autorité et de tout contenu vivant, en ne laissant subsister
qu'un vain rituel de phrases creuses. Nous y arriverons, n'en doutez
pas.".
La conversation
devint plus calme. Goebbels s'assit à notre table. Hanfstangel
entra dans le salon. Les deux Gauleiter Bavarois dénoncèrent
au Führer quelques exemples de résistance caractérisée
de la part de l'Église catholique en Bavière.
"Il
ne faut pas que les hommes noirs se fassent des illusions,"
gronda Hitler. "Leur temps est révolu. Ils ont perdus
la partie." et il déclara qu'il se garderait bien de
faire comme Bismarck. "Je suis catholique. La Providence l'a voulu.
En effet, seul un catholique connaît les points faibles de l'Église.
Je sais de quelle manière on peut attaquer ces gens-là
. Bismarck a été stupide. Il était protestant et
les protestants ne savent pas bien ce que c'est que l'Église.
Bismarck a eu ses décrets et son sergent de ville Prussien, et
il n'est arrivé à rien. Moi, je ne me lancerai pas dans
un nouveau Kulturkampf, ce serait vraiment trop bête, je ne tiens
pas à ce que les hommes noirs puissent se parer de la couronne
des martyrs devant de pauvres femmes. Mais, je saurai les mater, soyez-en
sûrs."
Hitler s'échauffait,
retombait sans s'en apercevoir dans le dialecte Viennois : "L'Église
catholique, c'est une grande chose. Ce n'est pas rien pour une institution
d'avoir pu tenir pendant deux mille ans. Nous avons là une leçon
à apprendre. Une telle longévité implique de l'intelligence
et une grande connaissance des hommes. Oh! ces ensoutanés connaissent
bien leur monde et savent exactement où le bât les blesse.
Mais leur temps est passé. Du reste, ils le savent bien. Ils
ont assez d'esprit pour le comprendre et pour ne pas se laisser entraîner
dans le combat. Si toutefois ils voulaient entamer la lutte, je n'en
ferais certainement pas des martyrs. Je me contenterais de les dénoncer
comme de vulgaires criminels. Je leur arracherais du visage leur masque
de respectabilité. Et si cela ne suffit pas, je les rendrais
ridicules et méprisables. Je ferai tourner des films qui raconteront
l'histoire des hommes noirs. Alors on pourra voir de près l'entassement
de folie, d'égoïsme sordide, d'abrutissement et de tromperie
qu'est leur Église. On verra comment ils ont fait sortir l'argent
du pays, comment ils ont rivalisé d'avidité avec les Juifs,
comment ils ont favorisé les pratiques les plus honteuses. Nous
rendrons le spectacle si excitant que tout le monde voudra le voir et
qu'on fera de longues queues à la porte des cinémas. Et
si les cheveux se dressent sur la tête des bourgeois dévots,
tant mieux. La jeunesse sera la première à nous suivre.
La jeunesse et le peuple. "Quant aux autres, je n'ai pas besoin d'eux.
Je vous garantis que, si je le veux, j'anéantirai l'Église
en quelques années, tant cet appareil religieux est creux, fragile
et mensonger. Il suffira d'y porter un coup sérieux pour le démolir.
Nous les prendrons par leur rapacité et leur goût proverbial
des bonnes choses. Je leur donne tout au plus quelques années
de sursis. Pourquoi nous disputer? Ils avaleront tout, à la condition
de pouvoir conserver leur situation matérielle. Ils succomberont
sans combat. Ils flairent déjà d'où souffle le
vent, car ils sont loin d'être bêtes. Certes, l'Église
a été quelque chose autrefois. A présent, nous
sommes ses héritiers, nous sommes nous aussi, une Église.
Ils connaissent leur impuissance. Ils ne résisteront pas. D'ailleurs
peu m'importe. Dès l'instant où j'ai la jeunesse avec
moi, les vieux peuvent aller moisir au confessionnal si ça leur
chante. Mais pour la jeunesse c'est autre chose, et c'est moi que cela
regarde."
A l'époque
où j'entendis cette conversation, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait
de simples vantardises, d'une concession au pornographe Streicher. Cependant,
elle m'avait profondément troublé. Je n'avais jamais encore
pensé qu'Hitler pût faire preuve d'un tel cynisme. Je me
suis souvent rappelé ces propos quand on a poursuivi plus tard
les prêtres catholiques pour trafic de devises ou pour attentats
aux murs afin de les représenter aux yeux de la masse comme
des criminels et de leur enlever, par avance, la palme du martyre et
le bénéfice de la persécution. Ce fut comme on
peut le voir, une entreprise cynique et depuis fort longtemps préméditée
dont Hitler, et Hitler seul, porte toute la responsabilité. Je
n'entendis plus grand chose de la suite de la conversation. Je retiens
cependant le mépris qu'il affichait pour l'Église luthérienne.
Il ne partageait aucunement les conceptions et les espoirs d'un grand
nombre de protestants combatifs et ennemis de Rome, qui voulaient détruire
l'Église Catholique à l'aide du national-socialisme, pour
créer une Église unitaire allemande, essentiellement Evangélique,
et dans laquelle les fidèles catholiques auraient été
incorporés de force et auraient formé une section spéciale;
je me suis entretenu plus tard, à plusieurs reprises, avec l'Évêque
du Reich Muller, qui avait failli être mon prédécesseur
à la présidence du Sénat de Dantzig. Ses plans
ambitieux étaient orientés dans je sens que je viens d'indiquer.
--"Les
pasteurs protestants", dit encore
Hitler, "n'ont même pas l'idée de ce qu'est une
Église. On peut se permettre avec eux tout ce qu'on voudra, ils
s'inclineront toujours. Ils sont habitués aux humiliations; ils
ont appris à les endurer chez leurs hobereaux, qui les invitaient
le dimanche à venir manger le rôti d'oie. Mais ils n'avaient
pas leur place à la grande table; ils mangeaient avec les enfants
ou les précepteurs. C'était déjà beau qu'on
ne les eût pas obligés à partager le repas des domestiques.
Ce sont de pauvres diables besogneux, soumis jusqu'au baisemain et transpirant
de confusion quand on leur adresse la parole. Au fond, ils n'ont aucune
foi qu'ils prennent au sérieux et ils n'ont pas non plus une
grande position à défendre comme Rome.".
La conversation,
qui s'était un instant égarée sur des détails
insignifiants et de faciles injures, redevint intéressante quand
Hitler aborda le thème de notre paysannerie. Il prétendit
que même chez nous, sous la carapace chrétienne, il y avait
le vieil et éternel paganisme qui toujours, reparaissait à
la surface. "Vous êtes bien agriculteur,
n'est-ce pas?" me dit-il. "Qu'en
pensez-vous? Comment les choses se passent-elles chez vous? "
je me levais et m'approchais de lui. "Chez
nous, répondis-je, la paysannerie est déjà très
instruite. Elle a conservé bien peu de choses des anciennes coutumes.
Cependant, si l'on grattait un peu la surface, il est probable qu'on
en retrouverait les vieilles croyances ancestrales. "
-- "vous voyez bien, triompha Hitler.
C'est là -dessus que je bâtis.
Nos paysans n'ont pas oublié leurs croyances d'autrefois, la
vieille religion vit toujours. Elle n'est que recouverte par la mythologie
chrétienne, qui est venue se superposer, comme une couche de
suif, et a conservé le contenu du pot. "J'ai dit à Darré
qu'il était temps d'aborder la vraie Réforme. Darré
m'a fait des propositions étonnantes que j'ai immédiatement
approuvées. Il remettra en honneur les anciennes coutumes par
tous les moyens. Pendant la Semaine Sainte et dans les expositions agricoles
mobiles, il fera connaître notre conception religieuse par l'image
et d'une façon si expressive que le paysan le plus borné
la saisira. On ne fera plus comme autrefois, on n'évoquera pas
le passé avec des cavalcades et mascarades romantiques. Le paysan
doit savoir ce que l'Église lui a dérobé: l'appréhension
mystérieuse et directe de la Nature, le contact instinctif, la
communion avec l'Esprit de la terre. C'est ainsi qu'il doit apprendre
à haïr l'Église. Il doit apprendre progressivement
par quels trucs les prêtres ont volé leur âme aux
Allemands. Nous gratterons le vernis chrétien et nous retrouverons
la religion de notre race. C'est par la campagne que nous commencerons,
et non par les grandes villes, Goebbels!
- "Nous n'allons pas nous mêler à la stupide propagande
marxiste de l'athéisme. Dans les masses des grandes villes, il
n'y a plus rien. Là où tout est mort, on ne peut plus
rien rallumer. Mais nos paysans vivent encore sur des croyances païennes
et c'est en partant de là que nous pourrons un jour évangéliser
les masses des grandes villes. Nous en sommes d'ailleurs encore bien
loin."
La conversation
était terminée. Nous restâmes assis pendant quelques
instants autour de la table. Hitler s'était assis avec nous.
Mme Goebbels se montra particulièrement attentive à la
santé du Führer. Elle décréta qu'il était
l'heure de se retirer. "Vous avez derrière
vous, mon Führer, une journée chargée, et une journée
tout aussi chargée vous attend demain." Nous
prîmes donc congé et je rentrais dans mon petit hôtel,
près de la gare de Friederichstrasse. Par la suite, tout ce qu'Hitler
avait prédit s'est réalisé. On a fait et on fait
encore toutes sortes de tentatives pour déchristianiser les paysans
allemands. J'ai vu les sections spéciales de déchristianisation
dans les expositions agricoles; j'ai vu la série des affiches,
réunies avec une réelle astuce pédagogique, représentant
la lutte des paysans de Steding, contre l'Église de Brême.
Tous les visiteurs de cette exposition ont pu observer comme moi l'habile
mélange des leçons de choses agronomiques et de la propagande
contre les religions établies et pour la renaissance d'un nouveau
paganisme dont les dogmes restaient dans le vague. Les personnalités
du parti qui étaient, comme moi-même, à la tête
de districts paysans recevaient régulièrement des invitations
aux nouvelles assemblées "sans Dieu" des nationaux-socialistes,
aux "soirées religieuses " où l'on essayait de définir
un rituel du nouveau culte. Il était évident que ces invitations,
qui émanaient de Darréen personne, étaient la pierre
de touche permettant de vérifier si l'on pouvait nous compter
dans la véritable élite, et jusqu'à quel point
nous prenions au sérieux la révolution totale du national-socialisme;
on estimait ainsi, suivant notre attitude, jusqu'à quel point
on pouvait nous faire confiance. Telle a été la première
étape. La deuxième a été l'obligation pour
nous de renier officiellement les Églises. Les choses ont marché
à pas de géant. J'ai pu m'en rendre compte par l'exemple
d'un de mes amis, l'agronome Meinberg, type splendide du terrien allemand.
C'était un homme dont la sincérité et la conviction
ne pouvaient être mises en doute. Meinberg, conseiller provincial,
Führer local des paysans, et représentant de Darré
à l'office du Ravitaillement du Reich, se montra un catéchumène
docile. Une nouvelle cheminée fut installée dans sa vieille
demeure paysanne en guise de foyer runique; des runes et des maximes
païennes décorèrent les murs. Les croix avaient fait
place à d'autres emblèmes pieux. Wotan, le vieux chasseur,
retrouva un autel chez Meinberg, et devant son foyer la flamme perpétuelle
fut rallumée. Hitler avait-il eu raison en prétendant
que chez nos paysans la couche de christianisme n'était que le
plus mince des badigeons? ce fut ensuite le tour des hommes des S.S.,
et surtout des chefs et dirigeants de toutes sortes, puis des gradés
supérieurs de la Jeunesse hitlérienne. Méthodiquement,
scientifiquement, avec une logique inflexible, on a entrepris la lutte
d'extermination contre tout ce qui était chrétien en Allemagne.